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Une prime versée par erreur pendant des années peut constituer un élément de la rémunération

04/02/2025
Dès lors qu’une une prime d'ancienneté est payée systématiquement à un salarié pendant de longues années, indépendamment de toute condition conventionnelle d'attribution, la Cour de cassation estime qu’elle devient un élément de sa rémunération.

La chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger, dans un arrêt inédit, que le paiement répété d'une prime indue à la suite d'une erreur de l'employeur peut conduire à sa contractualisation, s'inscrivant ainsi dans la lignée d'un autre arrêt, également non publié, rendu il y a un an.

Circonstances de l’affaire

Une salariée a perçu une allocation d'ancienneté conventionnelle de manière constante de 1994 à 2014, alors que son niveau de rémunération ne lui permettait pas d'en bénéficier. Son employeur a fini par rectifier son erreur en 2015 et en a cessé le versement. Deux ans plus tard, la salariée a saisi la justice d'une demande en rétablissement de la prime d'ancienneté et d'un rappel de salaire à ce titre depuis 2015. La cour d'appel l'a déboutée de sa demande.

Pour les juges du fond, en effet, la salariée n'avait pas atteint le niveau de rémunération exigé conventionnellement pour prétendre à l'allocation d'ancienneté. Aussi, l'erreur de l'employeur, qui avait certes perduré pendant 20 ans, avait porté sur le versement d'une allocation conventionnelle qui ne revêtait pas le caractère d'une prime et ne pouvait donc pas être constitutive d'un droit acquis ou d'un usage. Pour rejeter la demande de la salariée, la cour d'appel a fait application du principe traditionnellement appliqué par la jurisprudence, selon lequel l'erreur n'est pas créatrice de droit.

Position de la Cour de cassation

La chambre sociale de la Cour de cassation censure l'analyse des juges du fond. Pour elle, l'allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l'employeur pendant 20 ans (de 1994 à 2014), indépendamment de toute condition conventionnelle d'attribution, un élément de rémunération de la salariée.

Ce faisant, la Haute Juridiction confirme la position qu'elle a déjà adoptée en 2023, dans un arrêt également inédit. Dans cette affaire, à la suite d'un défaut de paramétrage de son logiciel de paie, l'employeur avait versé par erreur, pendant 7 ans, des primes d'équipe et de casse-croûte à un salarié qui, faute de travailler en équipe, ne pouvait pas y prétendre, avant de décider d'en stopper le versement. La chambre sociale avait considéré que ces primes étaient devenues partie intégrante de la rémunération du salarié et que cette suppression constituait donc une modification unilatérale du contrat de travail qui nécessitait son accord préalable (Cass. soc. 13-12-2023 n° 21-25.501).

Dans les deux cas, il semble bien que la répétition systématique pendant de nombreuses années des versements erronés (7 ans dans l'arrêt de 2023, 20 ans dans la dernière affaire) soit un élément déterminant dans la décision de retenir le caractère contractuel ou non de l'avantage indu. Et peu importe si, comme dans l'arrêt ici commenté, le salarié ne remplit pas les conditions d'attribution de la prime en cause.

Vers une erreur créatrice de droit ?

Ces deux arrêts laissent-ils entrevoir une évolution de la jurisprudence en la matière ? Une erreur répétée serait-elle désormais constitutive d'un droit acquis ou d'un usage ? Il faudra attendre une position de principe de la chambre sociale pour l'affirmer. Si tel était le cas, il resterait encore à définir au bout de combien de temps un versement indu devient créateur de droit, la Cour de cassation ne s'étant à ce stade prononcée que sur des versements pendant de très longues périodes.

Cass. soc. 4-12-2024 n° 23-19.528

© Lefebvre Dalloz

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